« Le Sahaj marg agit à sa manière, discrètement » ?!
Patel, le Gourou 2.0
Respectabilité ?
Une apothéose en forme de concours national de dissertation
Nations unies : le Sahaj marg en quête de respectabilité
SMRTI, un Institut de recherche devenu laboratoire d'idées
Une vaste entreprise de séduction
La Shri Ram Chandra Mission a débuté une vaste entreprise de séduction du public au milieu des années 90, dont l'institut de recherche fondé par le docteur Varadachari est le fer de lance. La psychiatrie spirituelle fut sa première thématique, abandonnée depuis en raison des critiques portées à son égard par les médias. La formation interne et le développement personnel ont rapidement pris le relais, mais sa thématique privilégiée reste encore aujourd'hui l'éducation spirituelle, basée sur les valeurs de Rajagopalachari. La création en 2005 d'une école chargée d'incarner ces valeurs en est le point d'orgue. La même année, le Département de l'information publique des Nations unies a offert le statut d'ONG internationale à la Shri Ram Chandra Mission. Après un démarrage laborieux, celle-ci a exploité cette reconnaissance au mieux de ses intérêts, notamment sur sa thématique qui connaît le plus grand succès, l'éducation spirituelle. Ainsi en 2009 en Inde, elle a organisé un concours national de dissertation en collaboration avec le Centre d'information des Nations unies pour l'Inde et le Bhoutan. Un succès de communication indéniable qu'elle espère étendre à d'autres continents.
- SMRTI, un institut de recherche devenu laboratoire d'idées
- Sur la voie finalement abandonnée de la psychiatrie spirituelle
- Formation et sensibilisation
- Apporter des valeurs dans l'éducation des enfants
- De l'Humanitaire aux portes des Nations unies
- Une apothéose en forme de concours national de dissertation
SMRTI, un institut de recherche devenu laboratoire d'idées
A sa mort, le SMRI tombe petit à petit dans l'oubli mais en 1989, l'institut renaît de ses cendres sous la direction du fils du Docteur Varadachari, KC Narayana. Mais celui-ci se fâche avec Rajagopalachari et démissionne en 1991 pour fonder une organisation dissidente de la Shri Ram Chandra Mission. Et l’institut replonge à nouveau dans l'ombre.
Alors qu’une adepte indienne en reprend la direction en Inde en 1997, différentes personnalités au sein du Sahaj Marg créent à leur tour des variantes locales plus ou moins autonomes de cet institut. En Suisse, le psychiatre Ferdinand Wulliemier et sa femme lancent la branche ouest européenne du SMRI qui deviendra la Fondation Sahaj Marg Spiritualité dès 1994. Une américaine, figure du développement personnel, prend la direction d'un Sahaj Marg Research & Education Institute (SMREI) aux Etats-Unis. Et la directrice indienne rebaptise son institut Sahaj Marg Research & Training Institute (SMRTI).
Institut de recherche, d'éducation ou de formation et d'entraînement selon les lieux et la sensibilité des personnalités qui l'animent, le SMRI prend une forme des plus nébuleuses au cours des années 90. A tel point que Santosh Khanjee, l'éminence grise de Rajagopalachari et grand organisateur de la Shri Ram Chandra Mission, y remet bon ordre dès janvier 2000. Il vient juste de créer la Sahaj Marg Spirituality Foundation Inc.(SMSF), fondation déclarée à Austin au Texas en 1999. Il s'impose donc secrétaire de l'institut, le rattache légalement à cette nouvelle fondation, et le rebaptise officiellement SMRTI (Sahaj Marg Research & Training Institute).
Plutôt qu'une école de philosophie, le nouveau SMRTI devient alors un réseau mondialisé. Les personnalités sont remises dans le rang, siégeant toutes comme 'faculty members' de ce nouvel institut, à condition d'avoir fait de longues études en langues, en histoire, philosophie, psychologie ou bien encore en éducation. Sous la houlette de Santosh Khanjee, leur foisonnement d'initiatives est encadré et financé par sa fondation pour que le SMRTI devienne le think tank du Sahaj Marg. A la seule condition qu'émergent de cette boîte à idées des résultats exploitables et valorisables.
L'enjeu, c'est de créer des outils facilement appropriables par les adeptes dans leur vie quotidienne familiale, sociale et professionnelle, en vue de répandre insidieusement l'idéologie du Sahaj Marg au sein de la société. Ces outils doivent donc être scientifiquement et moralement irréprochables et devenir les nouveaux vecteurs de communication qui permettent la reconnaissance internationale de la Shri Ram Chandra Mission et sa diffusion partout dans le monde.
Les domaines de compétences, les champs d'activités et les canaux de communication sont nombreux et variés. Cela touche aussi bien la psychiatrie que la formation, l'éducation, le développement personnel et le bien-être, ou l'humanitaire, ... Sont concernés les cadres du Sahaj Marg comme les professions médicales et para-médicales, les enseignants et leurs élèves, les entrepreneurs ou les cadres d'entreprises, … Les canaux de diffusion sont la presse, le web, les écoles, les conseils d'administration des entreprises, …
Sur la voie finalement abandonnée de la psychiatrie spirituelle
Lors de la première matinée s'expriment à la tribune uniquement trois des adeptes du Sahaj Marg. Le précepteur et psychiatre irlandais Ivor Browne commence, suivi du full précepteur français Patrick Fleury et du suisse Ferdinand Wulliemier. Le lendemain matin, c'est Rajagopalachari lui-même qui clôt le séminaire tandis que l'animateur de l'AIPS, Jean-Marc Mantel, annonce que Rajagopalachari est prêt à accueillir un tel séminaire de professionnels dans son ashram de Delhi, peut-être même aussi à côté de Boston où la Shri Ram Chandra Mission est très développée.
Peu après, le website du SMRI déclare que ce séminaire a été co-organisé par l'AIPS et lui. C'est Ferdinand Wulliemier qui a été l'artisan de ce rapprochement. Ce psychiatre suisse, qui a découvert le Sahaj Marg en 1985 à l'âge de 40 ans, devient rapidement précepteur et crée la fondation suisse Sahaj Marg Spiritualité en 94. Parallèlement, il exerce durant 35 ans en tant que thérapeute et enseignant à la Faculté de Médecine, la Faculté des Sciences sociales et politiques et au Centre d’Etude de la Famille à Lausanne.
Il est membre de l'AIPS et participe pour la première fois à son journal et ses congrès en 1995. Le 19 janvier 1997, il donne une conférence commune avec JM Mantel sur le thème de "L'impact de la méditation en médecine, psychologie et psychiatrie" dans le cadre du congrès sur la Médecine du troisième millénaire organisé par Stratégique à Paris. Tout naturellement, le séminaire israélien du mois de mai suivant est conjointement organisé par le SMRI et l'AIPS. Wulliemier n'a pas perdu de temps…
Membre précurseur du courant de la Psychiatrie spirituelle durant les années 90, Ferdinand Wulliemier introduit dans le champ psychiatrique les notions d'invertendo (évolution involutive) et de région centrale si chères au Sahaj Marg, en ajoutant aux stades d'évolution psychologique de l'individu un dernier état dit transpersonnel ou spirituel. Au travers de ce "nouveau concept de la psychiatrie", il explique que la voie spirituelle est ce qu'il y a de meilleur pour l'humanité.
Il tente surtout de justifier certains comportements, tels celui de l'aspirant spirituel faussement dépendant, innocent et naïf qui régresse vers un comportement infantile. De même qu'un comportement amoral du maître spirituel qui ressemble à une régression psychologique ne serait en fait rien d'autre que l'expression d'une sagesse qui nous échappe, une transmoralité (extraits de "Notre évolution involutive ou l'invertendo de notre croissance" - IASP, Vol.3, 1995). Toute la mécanique sectaire du Sahaj Marg se trouve ainsi psychologiquement justifiée selon lui par la psychiatrie spirituelle et par l'existence d'un dernier stade évolutif dit transpersonnel.
Lors du Congrès sur la "Médecine du Troisième Millénaire", Ferdinand Wulliemier parle encore d'un état de "passivité active" pour décrire le comportement des adeptes du Sahaj Marg, après avoir cité leur abandon total au maître spirituel. Mais il rapporte aussi les résultats d'une étude qu'il a réalisée sur une période de 8 ans, entre 1988 et 1996, sur 54 de ses patients suivis en psychothérapie et qui se sont mis à méditer ou méditaient déjà selon le système du Sahaj Marg.
Il avoue faire du prosélytisme auprès de ses patients en psychothérapie. Or certains médias francophones s'émeuvent de ce type de pratiques de psychothérapeutes engagés dans des mouvements sectaires. Ferdinand Wulliemier n'est pas le seul adepte du Sahaj Marg en cause, loin de là, mais c'est le plus réputé dans son domaine. C'est donc la révélation de trop qui finira par déclencher un revirement de Rajagopalachari, ou de son maître Babuji si l'on croit aux paroles d'outre-tombe.
Cela arrive donc concrètement dans "Whispers" le 10 avril 2001 qui fait dire à. Babuji : « Be wary of the confusion that is being made between the workings of our spiritual method and all psychoanalytical practices that are currently springing up. It is not desirable to make connections between them. Criticisms currently made by the media against Sahaj Marg in France, allude to leaders who manipulate our candidates by involving them in both disciplines. It would be necessary to stop mixing it all up by considering abhyasis as potential clients and vice versa. Therapist preceptors are not serious enough on this point, hence numerous problems are already caused by this lack of vigilance.»
Rajagopalachari vient ainsi d'ordonner à Ferdinand Wulliemier de la mettre en veilleuse, et le SMRTI cesse ses activités dans les champs psychiatriques et psychothérapeutiques. Mais qu'à cela ne tienne, l'institut rebondira vite en recyclant ces notions dans les champs du développement personnel et du bien-être, peut-être d'ailleurs plus à la mode que la psychiatrie.
Aujourd'hui retraité, Ferdinand Wulliemier sort de sa longue période d'hibernation médiatique, mais sans plus jamais faire aucune référence directe au Sahaj Marg comme il le faisait abondamment par le passé. Pour s'occuper, il crée un website (http://www.psychologie-therapies-spiritualite.ch) où il vend des séminaires plus ou moins spiritualisés, de 2 à 8 jours pour 380 à 800 CHF (240 à 500 €). Puis en octobre 2008, il coorganise un symposium sur les liens entre astrologie et thérapies (http://www.symposium-astrologie-therapies.ch/) avec quelques autres membres éminents du Sahaj Marg suisse qui y ont activement participé. Ainsi, sur un comité d'organisation de huit personnes, on comptait au moins cinq membres de la Shri Ram Chandra Mission.
Et le 14 mai 2009, il renoue avec son thème de prédilection dans une intervention intitulée "Dépression et Opportunités de la Crise" devant le 20ème Congrès du Groupe Romand d'Accueil et d'Action Psychiatrique à Lausanne. Pour ce psychiatre, la dépression constitue une opportunité de progression évolutive vers de nouvelles dimensions spirituelles (http://www.psychologie-therapies-spiritualite.ch/articles/articles_pdf/correct_articles/ART-GRAAP.pdf). Il n'est décidément pas facile d'abandonner un sujet si passionnant…
Formation en interne et sensibilisation à l'extérieur
Mais les outils de formation sont jugés insuffisants et l'institut s'investit alors directement dans la formation interne, pour les personnes chargées de l'entretien des ashrams comme pour les nouveaux venus au sein du Sahaj Marg ou ses cadres. Ainsi, un consultant indien est chargé de former les agents de maintenance et les gérants des ashrams indiens de la Shri Ram Chandra Mission.
Sous la direction d’européens exilés, des formations sont aussi proposées à des boursiers des pays du sud, nouveaux venus au Sahaj Marg. Cette école du Sahaj Marg, que Rajagopalachari surnomme ses "Petites Nations Unies", s'appelle en réalité le Scholarship Training Program (STP). C'est une formation de six semaines dispensée à l'ashram de Manappakam, au cours de journées qui débutent à 5 heures et s'achèvent à 22 heures, et dont les activités sont rythmées par une cloche offerte par la SRCM France. Un bel embrigadement qui rappelle des pensionnats d'un autre âge, avec des journées à rallonge où les méditations individuelles et collectives s'enchaînent à un rythme effréné, pour un endoctrinement particulièrement efficace de personnes chargées de développer la Shri Ram Chandra Mission dans des régions du monde où elle est peu présente.
Les cadres du Sahaj Marg ne sont pas en reste. Rajagopalachari inaugure son premier Center for Research, Education, Sadhana & Training (CREST) durant l'été 2006. Son objectif est d'accueillir en formation des adeptes de plus de cinq ans pour des formations d'un mois. Ici, les horaires sont encore plus drastiques : lever 4h30, petit-déjeuner 8h… et prière du soir à 21h. Situé à Kagalipura, à 23 km de Bangalore (Karnataka) sur près de deux hectares, le CREST est une propriété de la Sahaj Marg Spirituality Foundation et peut accueillir plus de soixante personnes. Il est dirigé par un précepteur retraité des services de la police indienne, qui comptabilisait 183 séminaristes, 542 séjours d'une semaine et 400 visiteurs, au bilan de sa première année d'exercice.
Et ce n'est que le début d'un intense effort de formation. En juin 2008, Rajagopalachari a ouvert le CREST au public des jeunes, entre vingt et trente ans, pour des programmes de six jours. En septembre 2009, il a ouvert le Scholarship Training Program aux Indiens, ce qui n'était pas le cas jusque là. Et il vient d'inaugurer un second CREST le 28 septembre, à Kharagpur, à 130 km de Kolkata (Ouest Bengale), au pied du premier Institut de technologie de l'Inde décolonisée créé en 1951. Tout un symbole…
La formation interne est donc un axe important des activités de l'institut, mais c'est loin d'être le seul, et Rajagopalachari compte bien sur un fort retour sur investissements. Tous ces adeptes maintenant bien formatés doivent à leur tour diffuser le Sahaj Marg au sein de la société environnante, pour justifier du bien-fondé de leur formation.
Ainsi, les portes ouvertes organisées pour accueillir de nouveaux venus sont soumises à un règlement très strict par le SMRTI. Les séances de méditation y sont fermement proscrites et seuls les administrateurs ont le droit de répondre aux questions des visiteurs. Des coachs professionnels proposent même leurs services aux adeptes pour les aider à présenter le Sahaj Marg dans diverses situations, lors de séminaires ou de portes ouvertes, ou bien même en famille. En France, certains coachent ceux qui le souhaitent depuis 2006.
Le monde de l'entreprise n'est pas oublié non plus, loin de là. En Inde où la méditation est une institution et une tradition, l'influence de la Shri Ram Chandra Mission est plus forte qu'ailleurs, ce qui lui permet d'intervenir en son nom propre lors de formations en management et développement personnel, autour de la gestion du stress par la méditation notamment. Ailleurs, ce sont des adeptes professionnels qui le font, en évitant soigneusement au contraire de citer la Mission.
Ainsi, d'après le journal Times of India du 23 juillet 2000, la Shri Ram Chandra Mission a organisé un séminaire international de trois jours, appelé "management of life" et rassemblant plus de 10 000 délégués à Calcutta : "[The meditation] is very helpful for policemen and other government servants as well. While, at Barrackpur, we started a workshop for policemen (…). The training programme still goes on at Barrackpur. Elsewhere, CISF [Central Industrial Security Force] and RPF [Central Reserve Police Force] personnel and bank officers are also undergoing this training. The mission has been recognised by the Ministry for Human Resource Development as a teaching institute for yoga (…). Ethical Management is now being taught at IIM (Calcutta) [Indian Institute of Management] with the help of the mission."
Depuis, les interventions du SMRTI se sont considérablement multipliées dans la plupart des institutions et entreprises indiennes, et même auprès des étudiants, toujours sous couvert de gestion du stress et de management éthique. Il est vrai que Rajagopalachari prononçait un discours intitulé "Spirituality in Corporate Management" dès le 2 février 1990, où il faisait l'apologie du leadership et du management d'entreprise qu'il a bien connus, pourvu qu'ils soient éthiques, c'est-à-dire spirituellement inspirés par le Sahaj Marg.
En Occident, l'institut a d'abord privilégié les médias, notamment la presse spécialisée féminine, où il parle des bienfaits du yoga et de la méditation. Le message est extrêmement simple : le Sahaj Marg est une technique de méditation parfaitement adaptée à la vie de famille moderne. Des adeptes se sont chargées de collecter des témoignages dans ce sens. Et depuis, certains n'ont de cesse de faire publier de nouveaux articles pour le faire savoir.
Apporter des valeurs dans l'éducation des enfants
Bon nombre d'adeptes enseignants du Sahaj Marg refusaient d'admettre que les valeurs de la Shri Ram Chandra Mission restent à la porte de l'enseignement scolaire. Tout cela a donc amené l'institut à créer une sorte de guide des valeurs pour une éducation dite spirituelle (Value Based Spiritual Education, VBSE), à destination des éducateurs, des enseignants et des parents. Et il a rapidement été utilisé dans l'éducation et la formation des enfants et des jeunes par les adeptes du Sahaj Marg.
Mais cela ne suffit toujours pas à Rajagopalachari. Le fils de Babuji a créé sa propre école à Shahjahanpur, la Babuji Memorial Public School. Qu'à cela ne tienne, Rajagopalachari annonce la création de la Lalaji Memorial Omega School (LMOS) le 28 février 2005 et l'inaugure le 22 juin suivant. Le projet de cette école est donc né de la conjonction du besoin de reconnaissance de Rajagopalachari, du SMRTI qui voulait placer son VBSE et du désir des adeptes enseignants.
Son ambassadrice, une directrice d’école, entreprend une vaste tournée internationale pour vendre le projet aux adeptes du Sahaj Marg et collecter les fonds nécessaires, mais elle n'a pas trouvé seule les fonds nécessaires. L'école est d'abord lancée grâce à un emprunt d'un million de dollars à la Banque d'Allahabad par la Shri Ram Chandra Mission et sa fondation, mais elle a surtout profité de la campagne de donations organisée par Rajagopalachari courant 2005 autour du livre "Whispers from the Brighter World". La SMSF aurait ainsi réussi à collecter près de deux millions, essentiellement aux Etats-Unis et dans sa communauté d'origine indienne. Sans compter la plus grosse donation jamais reçue par Rajagopalachari, qui ne manque pas de s'en vanter, d'un peu plus d'un million de dollars américains.
Il expliquait alors qu'il n'y avait aucun souci à se faire puisqu'il était le garant de la transparence financière des opérations, l'école étant dirigée par la Baal Vatika Educational Society et financée par le Baal Vatika Educational Trust, devenues plus tard Lalaji Memorial Educational Society & Trust. Cette école a ainsi pu accueillir 128 enfants dès la première année, l'objectif de l'année suivante étant fixé à 800 élèves, ce qui nécessitait trois millions supplémentaires. Ils ne furent que 573 élèves, mais l'objectif de la troisième année fut tout de même fixé au millier d'enfants…
L'école est située à Kolapakkam, entre Chennai et Manapakkam, à 5 km du Babuji Memorial Ashram. Ses bureaux administratifs sont en face de l'ashram, à Garden of Hearts (http://www.omegaschools.org/). Son programme d'enseignement est bien évidemment basé sur le VBSE du SMRTI, et développé en collaboration avec le Gouvernement indien et le NCERT (National Council of Educational Research and Training).
L'école se développe ensuite pour constituer cette vitrine de l'excellence que Rajagopalachari appelait de tous ses vœux. Elle noue des liens avec les entreprises, les autorités gouvernementales et des responsables éducatifs de tous bords. Dès 2005, elle acquiert la certification ISO et participe aux Intel Awards, concours d'intégration des technologies de l'information dans l'enseignement. Elle participe à une vidéoconférence sur le changement climatique et les droits de l'homme organisée par le Département de l'information des Nations unies en décembre 2008.
Pour la rentrée 2007, elle acquiert le Certificat international de l'enseignement secondaire de l'Université de Cambridge (IGCSE, International General Certificate of Secondary Education of Cambridge). Elle s'est ainsi dotée d'un I international le 27 décembre 2006, devenant la Lalaji Memorial Omega International School (LMOIS), pour le plus grand bonheur des adeptes aisés, indiens ou non, qui y placent leurs enfants, car elle accueille tous les enfants des Occidentaux qui viennent s'installer auprès de Rajagopalachari.
Le VBSE serait aujourd'hui utilisé par plus d'une centaine d'autres écoles en Inde, selon la Shri Ram Chandra Mission. Et il ne sert pas seulement dans les écoles, c'est aussi un outil d'animation durant les vacances. Ainsi, Echoes of India de juillet 2008 s'attarde sur les camps d'été pour les enfants et les jeunes, citant pas moins de huit exemples : "Ashrams around the country were abuzz with activity during the holiday season". A Bangalore c'était 40 enfants de 3 à 18 ans, à Jaipur 40 enfants de 3 à 17 ans, à Hyderabad de 9 à 17 ans ou dans le Kerala 52 enfants dont seulement 12 de familles d'abhyasis.
Qu'y ont-ils fait ? "The morning started with reciting of Mission's prayer", "The day commenced with introductions and was followed by Yoga", "The plays carried the message, 'Religion divides, Spirituality unites' and 'God is everywhere'. The children had been preparing for this day since long at the children's centre every Sunday", ou bien encore un atelier pour teenagers : "the need to manage one's anger, frustration and negative emotions. Very exciting was the budget exercise where the teenagers were asked to plan a monthly budget of Rs. 10,000".
A défaut de faire méditer les enfants et les adolescents, ce que Babuji interdisait avant l'âge de 18 ans, la Shri Ram Chandra Mission s'est arrangée pour contourner cette règle et leur inculquer sa culture et ses valeurs grâce au VBSE et à sa toute première école. Sous des dehors très humanistes, le VBSE véhicule la pensée de Rajagopalachari, souvent peu reluisante. Ainsi, à l'occasion de ses 80 ans en 2007, la SMSF avait organisé un concours pour les enfants sur le thème "A quoi sert un gourou ?". Au lieu d'enseigner des valeurs spirituelles aux enfants, on leur inculque les fondements du culte de la personnalité.
De l'Humanitaire aux portes des Nations unies
Acculée, la Shri Ram Chandra Mission organise une collecte de fonds spécifique pour recueillir les donations de ses membres, Rajagopalachari s'arrogeant toujours le droit d'utiliser cet argent à d'autres fins. Et le succès de l'opération est tel que, désormais, à chaque nouveau cataclysme dans le monde, la Mission associe une campagne de dons. Puis les grands centres indiens de la Mission ouvrent leurs portes aux miséreux, leur procurant nourriture et soins gratuits, grâce au volontariat de ses adeptes soignants. Nouvelle vitrine de respectabilité, les "Centres de lumière" sont nés.
La Shri Ram Chandra Mission est donc impliquée dans l'humanitaire et l'enseignement. On n'est plus très éloigné du statut d'ONG internationale reconnu par les Nations unies. La Mission profite alors de la profession de certains de ses membres qui travaillent au sein de différentes agences de l'ONU. Et le 12 décembre 2005, la Shri Ram Chandra Mission est enfin accréditée auprès de son Département de l'information publique (UNDPI) pour propager à travers le monde le message des Nations Unies, tout comme plus de 1 500 autres ONG. En effet, chaque année de nouvelles ONG sont accréditées, tandis que d'autres en sont exclues. C'est ainsi que la Mission fait partie d'une liste de 25 ONG nouvellement associées et que dans le même temps 48 autres en sont exclues.
Jacques Attali, qui appelle de ses vœux la création d'une véritable ONU des ONG, reconnaissait dans son discours de septembre 2004 à la 57ème Conférence annuelle du Département de l'information, que «(…) sous cette appellation, se glissent parfois des gens qui n'ont rien à y faire, comme des sectes, ou même des organisations terroristes (…)».
Ainsi, la Watchtower Bible and Tract Society (Organisation mondiale des Témoins de Jéhovah) a été accréditée auprès du DPI de 1992 à 2001, alors qu'elle considère ouvertement l'ONU comme "la bête sauvage de l'apocalypse" qui lutte contre Jésus. Cela pourrait être un cas particulier, mais il n'en est rien. Dans la liste des ONG associées au DPI, on trouve ou on a aussi trouvé les sectes Brahma Kumaris, Sri Chinmoy ou Sokka Gakkaï.
Normalement, ces ONG s'engagent à aider l'ONU dans son œuvre et à faire connaître ses principes et activités, et c'est tout. Mais la Shri Ram Chandra Mission en profite largement pour pratiquer l'amalgame et entretenir la confusion avec le sort beaucoup plus enviable des ONG qui sont associées au Conseil économique et social des Nations unies (ECOSOC) et bénéficient d'un statut consultatif. La Miviludes (Mission interministérielle française de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires) ne dit pas autre chose. L'association à l'UNDPI ne donne en aucun cas un statut consultatif mais uniquement l'accès aux locaux et à l'information des Nations unies :
"(...) Le système onusien est d’une grande complexité pour le grand public qui n’en retient guère que le rôle – la promotion d’idéaux comme la paix dans le monde, le développement et le respect des droits de l’Homme – ainsi qu’un logo aisément identifiable. Toute référence à l’ONU est un gage de respectabilité et certains mouvements n’hésitent pas en user, voire pour certains, à en abuser. Il en est ainsi de la revendication du « statut consultatif » comportant lui-même plusieurs catégories qui « hiérarchisent » les ONG affiliées. Ce statut ne doit pas être confondu avec « l’association d’une OING avec le Département de l’information des Nations unies », qui permet seulement d’accéder aux locaux de l’ONU, de recevoir des informations mais en aucun cas de participer aux conférences (...)." - Extrait du rapport 2008 de la Miviludes (pp 53-54) in Stratégies d’influence à l’international en 2008 : l’exemple des agissements de la mouvance sectaire à l’ONU.
Fin 2006, les responsables de la Shri Ram Chandra Mission ont peur que l'UNDPI ne leur retire leur accréditation. Affolés, ils décident de mobiliser les ressources de la Mission le 10 décembre 2006 pour la Journée mondiale des Droits de l'Homme. Et pour être sûr d'avoir du monde, la consigne est donnée de déplacer la journée mensuelle de centre au 10 décembre.
Le programme de la journée s'articule autour de la signature du livre d'or, la lecture d'une vieille lettre de Babuji adressée aux Nations unies en 1957, et la présentation d'un rapport d'activités de la Mission entre 2000 et 2005. L'échantillon des actions sélectionnées autour des thématiques chères à l'ONU montre ainsi que quatre manifestations ont réuni pas moins de 930 personnes sur une période de six ans. Quant à la Journée du 10 décembre elle-même, elle aurait mobilisé 25 pays et 7500 personnes, alors que la Mission dit être présente dans plus de 90 pays et représenter 200 à 300 000 abhyasis.
Une fois son accréditation rattrapée de justesse fin 2006, la Shri Ram Chandra Mission s'organise. En octobre 2007, elle crée une nouvelle publication périodique intitulée "One World, One Humanity" où elle relate ses efforts parfois laborieux en vue de collaborer avec les Nations unies. Le 20 mai elle célèbre la Journée internationale de la Famille, le 5 juin la Journée internationale de l'Environnement, le 12 août la Jeunesse, le 21 septembre la Paix, le 16 novembre la Tolérance, le 22 novembre de l'Enfance et le 10 décembre les Droits de l'Homme, etc.
Des efforts parfois laborieux, parce qu'il n'est pas toujours facile de célébrer la Famille, la Réconciliation, la Paix ou les Droits de l'Homme quand la Mission détruit les familles plus vite qu'elle n'accueille de nouveaux adeptes ou quand on pense aux procès qui l'opposent à la famille de Babuji depuis des années, aux reprises d'ashrams par la force, à d'éventuelles tentatives d'empoisonnement. La Tolérance n'est pas toujours sa vertu première.
Tant et si bien qu'en Inde, la Mission choisit de célébrer la Journée de la Jeunesse autour de la notion de leadership, détournant quelque peu l'objectif des Nations unies. Fêtée dans 23 villes indiennes le 12 août 2007, cette manifestation aurait touché 4000 jeunes des écoles supérieures, de la classe la plus aisée, les privilégiés. En vrac, les sujets des débats portent sur "un leader idéal", "la nécessité de développer des qualités de leadership", ou bien encore "les traits caractéristiques du leader". Cela rappelle le management éthique ou la gestion du stress.
Cependant, ces efforts portent peu à peu leurs fruits. Le partenariat entre les deux structures, ONU et SRCM, s'instaure progressivement. Ainsi à Sydney, le directeur du Centre d'information des Nations unies pour le Pacifique sud, Abdullah Mbamba, ouvre le Séminaire de la Mission pour la Journée de commémoration du 62ème anniversaire des Nations unies dès octobre 2007.
Pour les cérémonies du 81ème anniversaire de Rajagopalachari à Lucknow, le porte parole des Nations unies pour l’Inde et le Bhoutan, Rajiv Chandran, fait une allocution le 23 juillet 2008 où il déclare : "Il existe beaucoup de points communs entre la Shri Ram Chandra Mission et mon organisation, les Nations unies. Les deux défendent des valeurs universelles, des valeurs de paix, de tranquillité, de développement, de fraternité, d’égalité et de dignité chez tout individu."
Rajagopalachari est en passe d'obtenir ce qu'il voulait, reconnaissance et respectabilité.
Une apothéose en forme de concours national de dissertation
L'ONU a décrété que l'année 2009 serait l'Année internationale de la Réconciliation. Ce que la Shri Ram Chandra Mission décline en trois catégories de concours selon l'âge des participants, soit des plus jeunes aux plus âgés : "Give Love Get Love", "Do unto others as you would have others do unto you", "Love has hope, Hatred is hopeless". Et les éléments de réflexion suggérés aux compétiteurs par la Mission sont : "How does peace and friendship in society benefit the individual ? Can there be irreconcilable differences if everyone accepted this ? R. Ingersoll has said, “Give to every other human being every right that you claim for yourself.” What do you think ? Can Love be a potent instrument of reconciliation?"
D'après la Mission, cette action est entreprise depuis 1989 et elle aurait déjà mobilisé près de 75 000 enfants et jeunes participants de 10 à 24 ans en 2008. Mais cette année, la nouveauté c'est qu'elle est organisée en collaboration avec l'UNIC. Alors, combien y a-t-il eu de participants cette année ? Selon la SRCM, elle aurait mobilisé les enseignants de 10 000 institutions, 500 000 étudiants y auraient participé.
Rajagopalachari a du talent. Reconnaissons le, une fois n'est pas coutume, il a réalisé un coup de Maître ! Cet événement constitue en effet une publicité formidable pour la Shri Ram Chandra Mission. Coup de maître ou génie de la communication, voilà l'accréditation de la Mission auprès du Département de l'information finement exploitée. C'est un succès considérable puisque sont présentés aux yeux des enseignants, élèves et parents d'élèves la SRCM, la SMSF et le SMRTI, tous étroitement liés à l'UNIC, donc aux Nations unies dans l'esprit des gens, sans parler de la reprise de l'info par les médias. La communication de la Mission n'a pas toujours été remarquable, loin sans faut. Mais cette fois, l'opération séduction est réussie au-delà de toutes ses espérances. Dans l'opinion publique indienne, le nom de la Shri Ram Chandra Mission est désormais associé à celui de la très prestigieuse ONU.
Voilà donc le rêve de Rajagopalachari exaucé. Sa persévérance a payé, son investissement à long terme dans le SMRTI, le VBSE, la LMOIS et l'UNDPI tour à tour se voient tous enfin concrétisés ensemble dans cette action. Il est en passe de gagner son pari, exploiter à ses fins personnelles la petite accréditation de son mouvement pour promouvoir le Sahaj Marg™ et gagner en reconnaissance et respectabilité auprès de l'opinion publique indienne.
Et ne voilà-t-il pas qu'Ajay Kumar Bhatter vient d'annoncer qu'il est temps de développer l'éducation spirituelle basée sur des valeurs à travers l'Europe. Tous les coordinateurs devraient présenter et développer les activités VBSE aux adeptes du Sahaj Marg dans leurs pays respectifs, dit-il. Du coup, une première rencontre européenne est ainsi programmée sur ce thème à l'ashram de Berlin du 16 au 18 octobre 2009...
Est-ce vraiment cela que nous souhaitons pour l'Europe ?