Nations unies : le Sahaj marg en quête de respectabilité


De nombreux adeptes du Sahaj marg sont impliqués au sein d'ONG, mais la Mission s'en désintéresse, plus préoccupée de spiritualité (ou d'argent ?) que de la misère du monde. Pourtant la pauvreté des masses indiennes ne laisse pas complètement indifférents tous les abhyasis occidentaux. Et survient le tremblement de terre au Gujarat en janvier 2001 qui fait plus de 20 000 victimes. Les communautés indiennes émigrées un peu partout dans le monde se mobilisent…

Acculée, la Mission fait marche arrière et organise d'abord une collecte de fonds spécifique pour recueillir les donations de ses membres, même si Chari s'autorise toujours le droit d'utiliser cet argent à d'autres fins. Et le succès de l'opération est tel que, désormais, à chaque nouveau cataclysme dans le monde, la SRCM associe une campagne de dons. Puis les plus grands centres indiens de la Mission ouvrent leurs portes aux miséreux, leur procurant nourriture et soins gratuits, grâce au volontariat de ses adeptes soignants. Nouvelle vitrine de respectabilité, les "Centres de lumière" sont nés.

La SRCM est donc impliquée dans l'humanitaire et l'enseignement. Des abhyasis travaillent au sein de différentes agences de l'ONU et l’idée de s’en rapprocher pour gagner en respectabilité va germer. C’est chose faite le 12 décembre 2005, la Shri Ram Chandra Mission est enfin accréditée auprès de son Département de l'information publique (UNDPI).

Pour l’UNDPI, le rôle des quelques 1 500 ONG qui lui sont associées est de propager à travers le monde le message des Nations unies, rien de plus ! Pour la SRCM, il en va tout autrement…

Jacques Attali, qui appelle de ses vœux la création d'une véritable ONU des ONG, reconnaissait dans son discours de septembre 2004 à la 57ème Conférence annuelle du Département de l'information, que «(…) sous cette appellation, se glissent parfois des gens qui n'ont rien à y faire, comme des sectes, ou même des organisations terroristes (…)».

Ainsi, la Watchtower Bible and Tract Society (Organisation mondiale des Témoins de Jéhovah) a été accréditée auprès de l’UNDPI de 1992 à 2001, alors qu'elle considère ouvertement l'ONU comme "la bête sauvage de l'apocalypse" qui lutte contre Jésus. Cela pourrait être un cas particulier, mais il n'en est rien. Dans la liste des ONG associées au DPI, on trouve ou on a aussi trouvé les sectes Brahma Kumaris, Sri Chinmoy ou Sokka Gakkaï… et la SRCM aujourd’hui.

Normalement, ces ONG s'engagent à aider l'ONU dans son œuvre et à faire connaître ses principes et activités. Mais la SRCM en profite largement pour pratiquer l'amalgame et entretenir la confusion avec le sort beaucoup plus enviable des ONG qui sont associées au Conseil économique et social des Nations unies (ECOSOC) et bénéficient d'un statut consultatif.

L'association à l'UNDPI ne donne en aucun cas un statut consultatif mais uniquement l'accès aux locaux et à l'information des Nations unies. La Miviludes (Mission interministérielle française de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires) ne dit pas autre chose :

« (...) Le système onusien est d’une grande complexité pour le grand public qui n’en retient guère que le rôle – la promotion d’idéaux comme la paix dans le monde, le développement et le respect des droits de l’Homme – ainsi qu’un logo aisément identifiable. Toute référence à l’ONU est un gage de respectabilité et certains mouvements n’hésitent pas en user, voire pour certains, à en abuser. Il en est ainsi de la revendication du « statut consultatif » comportant lui-même plusieurs catégories qui « hiérarchisent » les ONG affiliées. Ce statut ne doit pas être confondu avec « l’association d’une OING avec le Département de l’information des Nations unies », qui permet seulement d’accéder aux locaux de l’ONU, de recevoir des informations mais en aucun cas de participer aux conférences (...). » - Extrait du rapport 2008 de la Miviludes (pp 53-54) in Stratégies d’influence à l’international en 2008 : l’exemple des agissements de la mouvance sectaire à l’ONU.

En juin 2010, une abhyasi américaine reconnaît le caractère opportuniste de cette alliance contre nature entre SRCM et UNDPI dans Echoes of North America (pp. 10-11). Elle n’a d’abord pas compris pourquoi la Mission célébrait certaines Journées des Nations unies. Mais elle a fini par comprendre que cela légitimait la Mission auprès d’une opinion suspicieuse face à une organisation spirituelle dirigée par un gourou. Un seul revers à ce bénéfice en termes d’image : il faut fournir à l’UNDPI des rapports d’activités…

“A few years ago when I first heard about the Mission’s observance of United Nations Days, I was confused. I admit it. I didn’t understand why we were doing them or what our involvement with the UN really meant. (…)
Regardless of the approach, what is important is that we observe the events somehow and then report our activities to our UN Days committee members. The UN, in order to properly document SRCM’s participation in the event and our association with them, require reports.
In terms of benefits, these United Nations Days provide a fantastic way to reach out to our communities. Here in America our culture can tend to be suspicious of a spiritual organization that has a guru. However, the United Nations is generally considered a positive, upstanding global organization. When we reach out to our communities via our association with the United Nations, we may become a bit more legitimized in the eyes of a society that views the unfamiliar with apprehension. That’s a good thing in terms of opening people’s minds and hearts to the wonders of Sahaj Marg.”

Effectivement fin 2006, quelque peu affolés que l'UNDPI puisse retirer l’accréditation de la SRCM, les responsables mobilisent au dernier moment tous les adeptes pour la Journée mondiale des Droits de l'Homme. Puis la Mission s'organise :  En octobre 2007, elle crée une nouvelle publication périodique intitulée "One World, One Humanity" (OWOH), où elle relate ses efforts parfois laborieux pour collaborer avec les Nations unies. Enfin, elle encourage les abhyasis à célébrer au moins une des Journées internationales de la Famille, de l'Environnement, de la Jeunesse, de la Paix, de la Tolérance, de l'Enfance ou des Droits de l'Homme.

Tant et si bien qu'en Inde, la Mission choisit de célébrer la Journée de la Jeunesse autour de la notion de leadership, détournant quelque peu l'objectif des Nations unies. Fêtée dans 23 villes indiennes le 12 août 2007, cette manifestation aurait touché 4000 jeunes des écoles supérieures, de la classe la plus aisée, les privilégiés. En vrac, les sujets des débats portent sur "un leader idéal", "la nécessité de développer des qualités de leadership", ou bien encore "les traits caractéristiques du leader". Cela rappelle le management éthique ou la gestion du stress…