Le couple : un ménage à trois


L'adhésion d'une personne au Sahaj marg offre peu de choix aux autres membres de sa famille. L'alternative repose entre le ralliement plein et entier ou l'incompréhension, et donc l'éloignement progressif jusqu'à l'éclatement de la cellule familiale. Les relations sociales préexistantes se délitent peu à peu, à cause du prosélytisme permanent difficile à supporter par l'entourage, mais aussi par le manque cruel d'autres sujets d'intérêt commun. La nécessité du souvenir constant du maître entraîne un détachement, pour ne pas dire désintérêt, vis-à-vis du quotidien, qui reste vivable quand toute la famille adhère au même objectif spirituel, mais qui tourne vite à l'enfer autrement. Babuji parlait même de "morts-vivants" !
Ainsi le divorce devient fréquent chez les nouveaux abhyasis, alors Chari organise les rencontres et bénit les mariages. Et les abhyasis tentent de se regrouper entre eux sur les mêmes lieux de vie…
L’avenir du couple au sein de la Mission est fortement compromis, y compris lorsque les deux partenaires en sont membres. En effet, un troisième partenaire s’est invité de manière permanente : c’est Chari, la Mission ou le Sahaj marg, au choix ! Dans le couple, il est envahissant au point de l’annihiler. La plupart des abhyasis s’en accommodent, mais certains finissent par craquer quand ils croient encore à leur couple comme en témoigne une abhyasi anonyme ci-dessous. Pour tous les autres (les couples mixtes), c’est la rupture…

Extraits d’un témoignage d’une abhyasi anonyme publié sur le blog d'Elodie le 11 août 2008 :
« (...) Chariji m’a marié et il continue à marier d’autres (très) jeunes abhyasis européens (parfois avec des indiens rapidement...). (…) Très jeune et romantique, j’ai décidé naïvement de faire ma vie avec un homme plus mûr et abhyasi. J’avais de l’admiration par sa pratique spirituelle et j’ai trouvé ce mode de vie une chance qui s’ouvrait devant moi. Par contre ce que je n’ai pas vu ni compris c’était l’insoupçonnée importance que notre Maître allait prendre dans sa vie et dans nos vies. Pour mon ex-mari, c’était Chariji la raison de sa vie et le développement de la mission sa raison pour lui montrer son amour. Au lieu de voir une relation riche et solide s’installer, c’est plutôt la souffrance et les frustrations qui se sont accumulés, pour exploser des années plus tard avec le constat amer du temps perdu. Malgré le temps que j’ai laissé filer entre mes doigts je me sens aujourd’hui libérée et fière d’avoir pu ouvrir mes yeux à temps. Ma vie recommence et mon avenir n’est pas assuré, en plus je ne suis plus une jeune fille. Je ne pouvais plus continuer à vivre une vie conditionnée par la mission et qui m’empêchait le développement de notre couple. J’ai aimé mon mari, mais comment lui pardonner de m’avoir négligé au nom de sa spiritualité, de sa mission ? A un moment donné on m’a conseillé d’écrire à Chariji, mais il ne m’a jamais répondu. Mon mari l’a plus tard rencontré pour lui faire part de nos problèmes et plus tard il nous a reçu mais son regard et approche de la situation a fini par m’éloigner définitivement. (…) Je me réveille aujourd’hui d’un long sommeil qui laissera certainement des traces dans ma vie de femme. Les relations intimes pour mon mari étaient réservées à la reproduction, mon sentiment de culpabilité m’a toujours poursuivi et finalement celle qui regrette et subi c’est moi. Inutile de dire que ma décision de quitter mon mari a été mal perçue par le cercle d’abhyasis, j'aurai tant voulu ne pas être jugée surtout par ces personnes qui observaient ma souffrance. J'ai été même par eux conseillée de faire un pas en arrière et rester auprès de mon mari et d’accentuer ma pratique pour que ma foi en Chariji ne faiblisse jamais. Mais comment demander à une femme frustrée et déprimée de se concentrer sur les prières si c'était justement cette pratique qui avait fait que mon mari m'abandonne? Je ne pouvais juste plus continuer en tant que femme frustrée en quête d’une spiritualité qu’aujourd’hui s’essouffle de déception et frustration. Je voudrais que ces jeunes abhyasis qui sans aucune préparation s’unissent maritalement, et beaucoup trop rapidement, réfléchissent bien avant de s’engager comme si leurs vies étaient déjà conditionnées par un choix définitif. »

Voici le témoignage d'un père de famille sur l'arrivée du Sahaj Marg dans sa famille et des dégâts qu'il y a engendré, cité par le Nouvel Observateur (N°1861 - Semaine du 6/07/2000) :
« Au début, cela ne m'a pas inquiété. Ils venaient méditer à la maison en groupe. Les enfants n'étaient pas touchés. J'ai même essayé, mais ce n'était pas mon truc. Je les traitais avec une certaine ironie.» Michel Gilbert partage alors depuis dix ans l'existence de Françoise, dentiste, avec qui il a eu deux enfants, de 5 ans et 2 ans et demi. Le couple connaît des difficultés financières : il n'a plus de travail et décide de devenir père au foyer. De plus en plus, sa compagne se livre à la méditation et fréquente un groupe appelé Shri Ram Chandra Mission (…). Pendant sept mois, Michel voit grandir cette influence (…) Le père s'inquiète. En janvier 1999, le groupe lui fait sentir qu'il est indésirable. Fin février, Françoise parle de séparation, fait chambre à part. Il se rend compte qu'elle prépare un voyage en Inde pour l'anniversaire du maître, puis qu'elle a une liaison avec un autre adepte. Le 29 juin, Michel est hospitalisé pour un ulcère. Elle emmène les enfants en Espagne. Le 15 août, Michel Gilbert attaque la secte pour enlèvement d'enfants. Le 21 décembre, une ordonnance confie pourtant la garde exclusive des enfants à la mère. Depuis, il a pu obtenir de les voir dans un point-rencontre. Il n'a aucune information sur leur adresse, leur école. « Quand je les vois, mon fils est comme éteint. J'ai essayé d'entrer en contact avec la secte en Inde : je n'ai eu aucun écho.»

Rares sont ceux qui acceptent de témoigner à visage découvert. La plupart sont en cours de divorce et ne peuvent donc pas s'exprimer librement. Mais surtout ils souhaitent conserver des liens avec leur famille, notamment leurs enfants. Ils n'osent donc pas critiquer la SRCM par peur de voir irrémédiablement coupés les quelques liens qu'ils arrivent difficilement à maintenir. 
A. nous contacte, « Je suis en train de lire leurs livres et je suis inquiet. Mon épouse depuis 38 ans et moi sommes en train de nous séparer. La préceptrice avec qui ma femme médite a perdu son premier mari, a divorcé du second et a maintenant un petit ami. Dans notre famille, la tension est montée en même temps que la dépendance de ma femme au Maître. Depuis 3 ans qu'elle a rejoint le groupe de méditation, ma femme cherche du travail dans l'éducation, à 63 ans, alors qu'elle n'a jamais travaillé dans ce domaine depuis sa formation initiale... »
Nous recevons cet autre témoignage : « Je m'appelle [B.] et j'ai quelques petits problèmes avec la SRCM, plus particulièrement avec mon ex-femme. En 2 mots, après 20 ans de mariage, ma femme, introduite par sa mère et son oncle, est entrée à la SRCM. Bien sûr, je n'étais pas au courant, sa version était qu'elle faisait du yoga. Une année et demi après ses débuts, elle demandait le divorce et obtenait la garde de notre fils. C'est au moment de la séparation, ayant trouvé par hasard son journal intime, que j'ai découvert qu'elle faisait partie de la SRCM. »
Puis c'est au tour de C. : « Je suis inquiet car j'ai découvert par hasard que mon amie fait partie de la SRCM. D'après moi, il y a approximativement un an qu'elle est dans cette secte. Je ne comprends pas bien pourquoi la méditation est la priorité numéro 1. A titre indicatif, mon amie a changé complètement d'attitude. Elle met en vente sa maison pour acheter plus petit, elle met sa fille de 20 ans dehors (soi-disant parce qu'elle doit apprendre les choses de la vie), notre couple se détruit (désintéressement pratiquement total…). »
D. échange avec nous ces quelques mails à propos de son couple d’amis : « D'après elle, "il n'y a aucun problème, elle maîtrise". Pourtant elle change beaucoup. Je souhaite informer et quelque peu aider le mari de cette femme qui est mon ami et qui est assez désemparé devant les changements de sa femme. Cet éloignement de la cellule familiale et cette perte d'implication voire de sens des réalités est assez grave et impressionnante." Puis, quelques semaines plus tard : "Sa femme veut les quitter, lui et son fils, pour aller en Inde !!! et elle continue de dire que c'est son libre choix, qu'elle ne subit aucune influence. Il ne sait pas vraiment comment la faire retomber sur terre. Tout est confus en lui, il a du mal à admettre que sa femme, si intelligente et cultivée, puisse être sous l'emprise d'un tiers, même si il croit encore que ça va changer et qu'il va la convaincre de son erreur." Enfin, trois mois plus tard : "Mon ami est en arrêt pour dépression, il est sous traitement et sa femme a demandé le divorce. Je n'en sais pas beaucoup plus, mais à 57 ans il va avoir du mal à s'en remettre. »
Ou encore, E. : « J'ai un ami qui a adhéré à cette organisation depuis 10 ans environ. Pendant cette période, il a eu des périodes moins suivies, s'est arrêté de méditer et de faire des sittings, à cause d'un long séjour à l'étranger. Mon copain est tout à fait normal et il cherche un développement spirituel. Il paraît que ça lui fait du bien, mais je pense que ses progrès, s'il y en a eu, sont dus à l'auto-suggestion plutôt qu'à autre chose. Je dis ça parce qu'il a des peurs et d'autres choses à résoudre qui n'ont pas encore été résolues.
Je dois ajouter qu'il a trouvé cette voie par le biais de sa famille. Sa mère est précepteur, en fait toute sa famille est complètement là dedans. J'ai observé que sa sœur se ferme à ses amis et sort très peu. Elle se réveille à 5 h pour méditer et ne pense qu'à son maître :"s'il te plaît, je veux être près de lui, il faut que je sois avec lui". Ce commentaire m'a fait peur. Mon copain a même demandé conseil à son maître sur la personne avec qui il avait des intentions sérieuses pour "ne pas perdre mon temps avec quelqu'un qui pourrait être un obstacle à mon développement spirituel". D'ailleurs je ressens chez mon copain une difficulté à séparer son maître de sa vie tout court.
Mon copain se rend en Inde environ une fois par an. Lors de son dernier voyage, il m'a raconté :"la méditation de groupe que j'ai eu ce matin avec le Maître était incroyable. Sur 45 mn, j'étais complètement absorbé la plupart du temps. Comme assoupi, mais on sait qu'on ne dort pas. Après, tu mets quelques minutes à te sortir de cet état et tu marches un peu comme un Zombie pendant quelques temps. C'est incroyable l'effet. C'est à travers ce genre d'expérience que l'on se rend compte qu'il y a un truc incroyable qui se passe. J'ai commencé à voir le Maître différemment, avec plus d'amour dans mon cœur, à avoir plus d'affection pour lui alors que j'avais une certaine distance jusqu'à maintenant. Cette transmission transforme très vite".
Je pense que je ne suis pas prête à accepter une relation avec quelqu'un qui adhère à un maître, et moins encore à Chari. De sa part, je pense qu'il n'est pas du tout prêt à laisser tomber ce mouvement, malgré un lien très fort envers moi. Quand j'ai rencontré sa famille (sa mère est adepte depuis 25 ans), j'ai eu un sentiment très bizarre de la part de sa mère vis à vis de moi (rejet ?). En tout cas, elle ne m'a pas donné une bonne impression, malgré sa stabilité comportementale apparente. Pourtant, je n'étais pas encore bien informé sur la SRCM. Elle partira bientôt définitivement en Inde pour s'établir à l'ashram de Madras. Sa fille de 13 ans est petit à petit introduite dans la chose (une autorisation sera demandée au maître pour la laisser entrer dans l'ashram, semble-t-il.
A ma connaissance, mon copain ne maintient pas l'envoi de son journal quotidien à Chari. Il m'a dit lui avoir envoyé un courrier (plus un message mail) qui est resté sans réponse. D'autres adeptes lui ont dit que s'il ne répond pas, c'est pour le forcer à prendre sa décision par lui-même. Mon copain ne paie pas de cotisation. Peut-être est-ce pour cela qu'il s'est vu refuser dernièrement des sittings privés à distance avec un précepteur. Il lui a dit que s'il voulait les recevoir régulièrement, il devait d'abord demander l'autorisation au maître. »
Et F. : « J’ai été amené à approcher la SRCM car un membre de mon proche entourage a commencé cette pratique, puis un autre quelques semaines plus tard. J’ai alors rencontré un précepteur qui avait l’air d’une personne normale. Toutefois, j’ai remarqué un changement notable dans le comportement de mes proches en quelques mois seulement. Tout d’abord, la fréquence de propos nouveaux très abstraits voire très déplacés, et surtout notre rythme de vie est perturbé. Je commence à m’inquiéter. »

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