De l’argent sale recyclé par la SMSF ?
L’équivalent de 10 millions de dollars a été offert à la SMSF indienne en 2012 par la Mentor Financial Ltd depuis le paradis fiscal des Îles vierges britanniques. Derrière cette société offshore se cachent Viktor Gushan et Ilya Kazmaly, deux anciens officiers des services de renseignement soviétiques et co-fondateurs de la première entreprise de Transnistrie. Quand il a effectué cette donation, Kazmaly (précepteur du Sahaj marg) venait de quitter son pays pour une destination inconnue après avoir démissionné du Soviet suprême et abandonné la tête de la holding Sheriff…
Argent propre ou argent sale ? Je ne sais pas, mais la question mérite d’être posée. Pour que chacun puisse s’en faire une idée, l’histoire de l’enrichissement de ces 2 hommes d’affaires (ce que l’on en sait) suppose d’être contée en détail. Elle est digne des meilleurs romans d’espionnage de Gérard de Villiers ou de John le Carré : un Etat fantôme, un contexte géopolitique aux relents de guerre froide, corruption des politiques et collusion avec le monde de la finance, capitalisme sauvage et pratiques mafieuses, sociétés écrans dans les paradis fiscaux et utilisation de filières offshore de blanchiment du crime organisé…
Connaissez-vous la Transnistrie ou République moldave du Dniestr ?
Région sécessionniste de Moldavie, la Transnistrie est une petite bande de terre de moins de 25 km de large sur la rive orientale du fleuve Dniestr, marquant la frontière avec l'Ukraine, sur une superficie équivalente à celle du département des Pyrénées-Orientales, ce qui en fait une sorte d’enclave russe entre la République de Moldavie et l'Ukraine.
« Trou noir de la criminalité organisée transfrontalière, notamment en matière de trafic de drogue, traite des êtres humains et contrebande d'armes » selon Mircea Geoana, ministre des Affaires étrangères de Roumanie. Pays des derniers soviets, « la Transnistrie est un territoire de l'Europe géographique où l'URSS, son système, son administration, son décorum et ses méthodes sont encore en place : un véritable conservatoire historique » disait Jean-Baptiste Naudet du Nouvel Observateur.
Encore appelée République moldave du Dniestr, la Transnistrie s’est constituée sur les ruines de l’Union soviétique. Ni reconnu par la Communauté internationale ni par la Russie, cet Etat fantôme issu d’un des derniers conflits de la guerre froide a été présidé d’une main de fer pendant 20 ans par Igor Smirnov, très lié aux intérêts oligarchiques russes.
Peut-être connaissez-vous mieux le Football Club Sheriff de Tiraspol ?
Première entreprise de la région, la holding Sheriff est connue pour être propriétaire de l'équipe de football de Tiraspol, où elle a construit un complexe sportif de plus de 200 millions de dollars.
On dit vraiment beaucoup de choses sur le groupe Sheriff : façade pour le blanchiment d'argent à grande échelle au sein d’un pseudo Etat qui n’est autre qu’une société de contrebande, “(…) often using the violent “gangster capitalism” tactics prevalent throughout the post-Soviet region in the1990s to do so, allegedly racking up dozens of economically motivated killings along the way (…).”, d’après Michael Bobick (article du 30 septembre 2010, in Transitions OnLine : In Transdniester, One Company Is a Law Unto Itself).
Créée de toutes pièces sur la privatisation de l’économie soviétique en 1993, la holding contrôlerait aujourd’hui environ 50% du marché immobilier et 90% de celui des carburants du pays. Sheriff a habilement profité de l’isolationnisme politique du pays pour bâtir sa situation monopolistique dans de nombreuses branches de l'économie régionale. Ainsi, Viktor Gushan et Ilya Kazmaly, anciens officiers des services secrets soviétiques et co-fondateurs de la holding, emploient plus de 12 000 personnes, au sein d’une dizaine d’entreprises et diverses usines de production industrielles. D’après le journal "Adevărul" (The Truth) cité par Moldova Azi, le chiffre d’affaires de Sheriff aurait dépassé 4 milliards de lei en 2010 [monnaie roumaine, soit 900 millions d’euros], en hausse de 300 millions par rapport à 2009 [67 millions d’euros].
Le groupe possède aussi une chaîne de supermarchés, des usines agro-alimentaires, le principal réseau de stations-service, des concessions automobiles (Mercedes), une agence de publicité (Klassika), une chaîne de télévision (TSV), un opérateur de téléphonie mobile (Interdnestrcom), une usine de cognac (Kvint), etc.
Sheriff est-il la cause ou bien le symptôme des maux qui rongent la société transnistréenne, la plus pauvre d’Europe ? Telle est la question, les avis sont partagés…
Collusion entre Sheriff et le président Smirnov ?
Vladimir Poutine aurait surnommé la Transnistrie "la République de Sheriff" ! Durant la présidence d'Igor Smirnov (1991-2011), le groupe Sheriff était le principal contributeur au budget de l’Etat : environ 30 millions de dollars, presque 30% du total des impôts payés par les entreprises et 17% des recettes de son budget annuel, selon Kamil Całus (article du 16 mai 2013, in OSW Commentary : An aided economy. The characteristics of the Transnistrian economic model). En contrepartie, Sheriff a grassement bénéficié de privilèges spéciaux…
Oleg Smirnov, fils de l’ancien président serait l'un des hauts-dirigeants du groupe, sans qu’on n’ait jamais pu le prouver. Vladimir, l’autre fils du président Smirnov, était le patron des douanes, un partenaire silencieux majeur des dirigeants de l'entreprise. Une chose est sûre, Sheriff et la famille Smirnov ont entretenu des relations très étroites. A tel point que Lucy Ash de la BBC écrit : “Organised crime experts in the UK suspect that Sheriff really belongs to the first family of the rogue republic, and claim the Smirnovs use it to launder money.” in Misery in a pariah state en date du 1/04/2004.
Ainsi jusqu’à fin 2012, la holding a bénéficié d’allégements fiscaux, tels les réductions de taxes à l'import et à l’export, et le droit de faire des affaires en devises étrangères quand les autres entreprises devaient utiliser la monnaie locale. L'organisation pouvait ainsi exporter ses devises sans limites ni droits de douane : une partie a été dépensée pour l'achat de biens, une autre a été détournée vers des paradis fiscaux.
Sheriff, premier responsable de la chute de Smirnov ?
Les deux anciens officiers du KGB ont habilement profité de la chute de l’Union soviétique puis de la politique isolationniste de Smirnov pour constituer et développer le groupe Sheriff.
Au début des années 2000, lorsque le pays est devenu trop petit pour leur appétit, les 2 hommes d’affaires ont commencé à réclamer du changement. Toujours dans le but de servir leurs intérêts, ils sont ainsi devenus de fervents partisans d’une ouverture libérale.
Sheriff prend alors une part active dans l’émergence sur la scène politique nationale d’Obnovlenye (Renouveau), un mouvement créé par des chefs d’entreprises libéraux. En 2005, devenu entre-temps un parti politique, Obnovlenye gagne les élections législatives. Yevgeni Shevchuk, ancien directeur d’une succursale de la banque commerciale Agroprombank (filiale de Sheriff), devient le chef du Soviet suprême. Ilya Kazmaly et la directrice des ressources humaines de Sheriff, Ilona Tyuryaeva, sont élus députés sous cette même étiquette. En 2011, la vieille garde fidèle à la famille Smirnov perd les élections présidentielles et Shevchuk prend la tête du pays.
Gushan et Kazmaly ont ainsi montré leur ambition sans limites : non seulement contrôler la vie économique de la région mais aussi la vie politique, toujours afin d'étendre la domination économique de Sheriff. L'efficacité de leur propagande, notamment via la chaîne de télévision de la holding, s’est avérée payante.
Mais l’influence de ce groupe et de ses deux dirigeants devenus trop puissants est telle qu’elle fait peur. Elle fait même peur à leur allié d’hier, Yevgeni Shevchuk, à tel point que le nouveau président met un terme aux privilèges de Sheriff dès le 29 décembre 2012. Entre temps, Kazmaly a démissionné du Soviet suprême et quitté la holding Sheriff. Gushan reste seul aux commandes de l’entreprise…
Gushan et Kazmaly dans les paradis fiscaux ?
Le 10 juin 2013, le Centre pour la transparence et la participation civique moldave "Particip", a dévoilé que Gushan et Kazmaly possèdent plusieurs sociétés sur le paradis fiscal des Îles vierges britanniques, grâce au Consortium indépendant des journalistes d'investigation (ICIJ), à l'origine des révélations sur les paradis fiscaux via son programme transnational OffshoreLeaks (article de Particip en moldave, Sheriff în Marea Caraibelor).
En l’espace de quelques jours d’avril 2004 dans la mer des Caraïbes, les deux hommes d'affaires sont devenus actionnaires de 4 sociétés offshore. Ils ont d’abord créé "Vanora Financial Ltd" le 6 avril, puis sont devenus administrateurs et actionnaires de "Civilpark Limited" le 20 avril suivant, une société fondée en mai 2001 par le chypriote Stelios Ioakim. Trois jours plus tard, ils fondaient les sociétés "Mentor Financial Ltd" et "Orion Intervest Ltd". Toutes ces sociétés ont été enregistrées à Tortola, capitale des Îles vierges, par l'intermédiaire de la "Commonwealth Trust Limited".
Par la suite, le groupe Sheriff s’est servi de sa société offshore Orion Intervest Ltd pour importer des produits en Transnistrie. La société a même reçu une amende pour violation de la législation douanière le 23 Mars 2012.
D’après les documents du projet OffshoreLeaks, Ilya Kazmaly détient encore des participations dans 3 autres sociétés offshore enregistrées dans les Îles vierges britanniques. Le 2 mai 2007, Kazmaly et un résidant chypriote nommé Branislava Grozdanovic sont devenus administrateurs des sociétés offshore "Minos Marketing Ltd", "Morganton Investments Ltd" et "Palac Trading Ltd", toutes 3 créées en mai 2005 par l’intermédiaire de la société "Eurotrade Nominees Ltd".
Utilisation des filières de blanchiment d’activités illicites ?
Commonwealth Trust Ltd (CTL) et Eurotrade Nominees Ltd : Gushan et Kazmaly ont astucieusement choisi leurs intermédiaires, peu regardants sur leurs clients pour créer leurs sociétés offshore.
Le succès de ces intermédiaires repose sur la couverture de clients qui veulent rester dans l'ombre et l’opacité qu’elles jettent sur leurs transactions financières. Ils offrent ainsi un abri idéal aux personnes liées à la corruption politique, au trafic d’armes et au crime organisé qui ne pourraient exister sans eux.
Parmi les dirigeants d’Eurotrade Nominees Ltd, Stephen John Kelly et Jesse Grant Hester ont tous deux été épinglés par OffshoreLeaks, pour faire partie du hit-parade des détenteurs d’entreprises offshore. Né en 1976 au Royaume-Uni, Hester dirige à lui seul plus de 1 500 sociétés offshore. Il aurait codirigé une société avec un personnage controversé arrêté et condamné pour fraude et association avec des activités mafieuses en Italie, selon Dandreagalli (article du 22 mai 2013, in Economic Crime Intelligence). Auparavant, il fut le directeur d'une compagnie utilisée par le régime du dictateur irakien Saddam Hussein pour contourner le programme « Oil for Food » des Nations Unies, selon Gerard Ryle et Stefan Candea (article du 7 avril 2013, in ICIJ).
En ce qui concerne la CTL, elle a été maintes fois accusée d'enfreindre la législation anti-blanchiment d'argent. Elle est intimement mêlée à plusieurs affaires crapuleuses, mais la plus emblématique d’entre elles est le scandale Magnitski, selon Michael Hudson et al. (article du 5 avril 2013, in Mail & Guardian).
En 2007, trois sociétés russes détenues par le fonds d’investissement Hermitage Capital sont victimes d’un raid et détournées par la pègre. Les nouveaux propriétaires réclament 150 millions d’euros (230 millions de dollars) au fisc russe qu’ils obtiennent 5 jours plus tard. L’avocat fiscaliste Sergeï Magnitsky dénonce une machination ourdie par le crime organisé et des fonctionnaires de l’Etat russe. Victime de l’arbitraire de la justice, il décède en prison deux ans plus tard, à son tour accusé d’évasion fiscale.
L’argent a été versé en roubles, changé en dollars et transféré en Occident le jour même grâce à une chaîne de pas moins de 40 sociétés écran pour couvrir les traces des fraudeurs, dont une vingtaine avaient été mises en place par la CTL. Cette dernière a été fondée par le millionnaire canadien de Toronto Tom Ward, qui déclare dans une réponse écrite aux questions d’ICIJ (citée par CBC News Canada du 5 avril 2013) : “CTL's problems were, by and large, directly proportional to its market share. (…) I regard myself as an ethical person. I don't think I intentionally did anything wrong (…)”. Ward et la CTL ne sont pas accusés d’avoir activement participé au vol du trésor russe, mais c’est grâce à eux que de telles affaires peuvent être organisées.
Qui est Kazmaly et que lui arrive-t-il en 2012 ?
Selon le site du Soviet suprême de Transnistrie, Ilya Mikhailovich Kazmaly est un russe d’origine gagaouze né le 7 avril 1962 (la Gagaouzie est une région autonome au sud de la Moldavie où dominent les orthodoxes turcophones). Kazmaly a travaillé comme officier des services de renseignement soviétiques puis comme chef de la Brigade criminelle de Tiraspol avant de fonder l’entreprise Sheriff en 1993 avec Viktor Gushan. En 2005, il est élu au Soviet suprême comme député de l’opposition sous l’étiquette Obnovlenye, après avoir longtemps été l’un des principaux appuis du président Smirnov.
En avril 2012, Kazmaly abandonne ses responsabilités au groupe Sheriff, il démissionne de son mandat de député au Soviet suprême, et quitte peut-être même le pays pour une destination inconnue…et Chari le nomme coordinateur de la SRCM pour
la Turquie en mai, à quelques encablures de Chypre.
Juste après avoir tout quitté, il fait une donation de l’équivalent de 10 millions de dollars, en 6 versements effectués entre le 8 et le 26 juin 2012 via sa société offshore Mentor financial Ltd, à la Sahaj Marg Spirituality Foundation en Inde. A ma connaissance, précepteur du Sahaj marg depuis 2005 au moins, il est donc membre de la Shri Ram Chandra Mission depuis plus de 8 ans.
Que lui est-il donc arrivé ?
Bons baisers de Chypre ?
Suite aux scandales entourant la CTL, Gushan et Kazmaly ont rapatrié l’ensemble de leurs sociétés offshore des Îles vierges vers Chypre, par l’intermédiaire de la "Christabel Corporate Services Ltd" à Limassol.
Chypre : "l’île aux Russes", "la Suisse privée des Russes", "base arrière russe en Méditerranée", les qualificatifs ne manquent pas pour décrire ce pays qui compterait 35 à 50 000 russophones, à tel point que Limassol a été rebaptisée "Limassolgrad".
Après les Îles vierges, Chypre est un autre paradis fiscal pour les banksters russes où les sociétés écran restent anonymes parce que les impôts sont faibles et les banques discrètes. Dans un rapport divulgué en novembre 2012, les services secrets allemands estimaient que les Russes détiendraient sur l’île environ 25 milliards d’euros.
Petite île paradisiaque de l’Union européenne où se côtoient la mafia russe et les services secrets moscovites. C’est la machine à laver l’argent sale des criminels russes et la patrie de l’évasion fiscale des oligarques moscovites, grâce aux accords fiscaux passés entre les deux pays. C’est aussi un point de départ pour tous les trafics d’armes de la mafia et du nouveau tsar de Russie à destination de la Syrie, du Liban et de l’Iran.
Limassol, c’est un environnement bien familier pour un Kazmaly pas dépaysé pour un sou dans cette station balnéaire aphrodisiaque du sud-est de Chypre…
Une longue filière qui s’achève dans les poches de Chari ?
Rappelons le contexte général : une fortune bâtie sur le démantèlement de l’économie soviétique, la corruption politique et financière, l’utilisation de filières de blanchiment du trafic d’armes et du crime organisé. Tout cela dans le pays le plus pauvre d'Europe (PIB de moins de 1 200 euros par habitant, un salaire moyen ne dépassant pas 115 euros par mois). « Les nombreux jeunes qui ne peuvent pas se permettre de poursuivre leurs études, sont souvent condamnés au chômage ou à un emploi mal payé... chez Sheriff. », selon Judith Sinnige (article du 26/01/2012, in CafeBabel).
Légalement, cet argent est-il propre ou sale ? Je ne sais pas ! Moralement c’est une autre histoire… La provenance de ces 10 millions de dollars est-elle éthiquement acceptable ? Chari s’est-il inquiété de la provenance de cet argent ?
Tout récemment encore il disait : « (...) J'ai toujours pensé qu'avoir trop d'argent viciait notre compréhension de toutes ces valeurs plus fines de la vie (…). Nous avons ces maximes, les Dix Maximes, nous avons la discipline du Sahaj Marg, le code moral du Sahaj Marg, tous sont conçus pour nous rendre parfaits. » (discours du 21/10/2013).
Le code moral de Chari et les valeurs de la Mission (VBSE) sont-ils chahutés ? Rien n’est moins sûr ! Chari s’est-il seulement interrogé ?
L’argent n’a pas d’odeur et Chari recycle de l’argent moralement douteux dans un spiritualisme de bas-étages. Ces gens-là sont faits pour se comprendre…
Autres références complémentaires :
Transdniestria: the country that did not come in from the cold
Financial Times, by Thomas Escritt, 23 juin 2011
In Sliver of Old U.S.S.R., Hot Soccer Team Is Virtual State Secret
New York Times, by James Montague, 19 août 2012
Vie, mort et résurrection de la controversée Commonwealth Trust Limited
Le Monde, by Stéphanie Chayet, Michael Hudson et Marina Walker Guevara, 6 avril 2013
Chypre: base arrière russe en Méditerranée ?
Atelier Europe, by Camille Roux, 19 octobre 2012
Donations étrangères effectuées à la SMSF indienne
FCRA, Ministry of Home Affairs, India 2012-2013
Autres liens :
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