Du maître spirituel au gourou totalitaire

Le maître transmet l'énergie divine dans le cœur de ses disciples. Il détient un rôle central dans ce qui fait la spécificité du Sahaj Marg selon Rajagopalachari. C'est le seul dépositaire d'un pouvoir spirituel considérable. L'histoire nous montre que chaque changement de maître s'est accompagné d'une rude période de transition où les prétendants ont fait preuve de toutes les audaces pour s'emparer de ce pouvoir spirituel unique.

On connaît peu de choses des événements qui ont suivi la mort de Lalaji, mais Babuji dans son journal relate qu'il est entouré de concurrents et d'ennemis qui ont attenté à sa vie. Visiblement, ceux-ci devaient être des maîtres du Ramashram satsang ou des membres de la famille de Lalaji, parmi lesquels il a passé du temps entre 1931 et 44. Beaucoup plus tard, il prétend que Rajagopalachari a attenté à sa vie à plusieurs reprises entre 1974 et 82, c'est-à-dire depuis que celui-ci était entré en possession de sa lettre de nomination en tant que "président du système du Sahaj Marg".

Paranoïa de Babuji ? L'histoire politique nous enseigne qu'un homme de pouvoir est au sens figuré un véritable tueur professionnel, paranoïaque par nécessité et pour survivre, quand la paranoïa ne finit pas par le dévorer. Le pouvoir spirituel obéirait-il à d'autres lois que le pouvoir politique ? La captation du pouvoir par Rajagopalachari est-elle spirituelle ou politique ? Le Sahaj Marg commence à drainer un grand nombre de disciples et Rajagopalachari n'est pas insensible à l'attrait du pouvoir sur les hommes. De la même façon, c'est aujourd'hui le pouvoir économique qui semble animer les prétendants actuels. Paranoïa toujours ?

Kasturi et Narayana instaurent une différence entre présidence de la Mission (en tant qu'organisation) et représentation spirituelle de Babuji. Navneet Kumar Saxena, lui, réaffirme avec force les statuts de la Shri Ram Chandra Mission décrétés par son grand-père, à savoir une représentation spirituelle établie à Shahjahanpur en droite ligne de succession. Cela rappelle que Lalaji a préféré son fils à son neveu, que Babuji a préféré Umesh Chandra à Rajagopalachari. Lignées spirituelles héréditaires ou liens du sang dont Babuji et Rajagopalachari se sont affranchis pour parvenir à leurs fins. Alors Rajagopalachari finira-t-il par y succomber à son tour et nommer son fils PR Krishna ou son petit-fils ?

Pouvoir spirituel, pouvoirs politique et économique, tous s'emmêlent dans le Sahaj Marg comme en tout. Il n'y a que la forme de ce pouvoir qui évolue d'une capacité ou d'une compétence spirituelle vers toujours plus de séduction jusqu'au culte de la personnalité, qu'elle passe ou non par les liens du sang à l'égal d'une monarchie.

La renommée, le pouvoir et l'argent attisent les convoitises et compliquent les successions. C'est une loi de l'Histoire, peut-être même une loi de la Nature. les gourous spirituels n'en sont pas exempts. Plus le leader est grand, plus il est difficile de lui succéder. Lalaji n'était pas un géant, Babuji n'était pas un nain. Et Rajagopalachari, un autocrate totalitaire ?

L'histoire du Sahaj Marg n'est pratiquement rien d'autre qu'une histoire de leadership.