De l’apogée au déclin ?


Le Sahaj MargTM, multinationale spirite et apocalyptique (2005-14)

(Mise à jour le 21 avril 2014)

Au crépuscule d'une multinationale parvenue à son apogée

Parthasarathi Rajagopalachari réunit facilement plus de 50 000 personnes lors des grandes cérémonies annuelles qu'il organise pour fêter son anniversaire. Il y a des pratiquants réguliers, des cotisants et des sympathisants. Avec cette approche, on obtient une très large fourchette de 71 000 pratiquants à 260 000 sympathisants à travers le monde. Tout cela pour un peu plus de 3 000 précepteurs…

Le Sahaj Marg™ de Rajagopalachari, c'est aussi un petit empire foncier, immobilier et financier. En 1997, Umesh Chandra Saxena estimait son patrimoine à quelques 200 millions d’euros quand elle déclarait 55 000 adeptes. Si le patrimoine avait suivi la même évolution que les effectifs, on frôlerait aujourd’hui le milliard. Des dizaines d'ashrams, des centres de retraite, un institut de recherche et de formation, une école internationale, une marque internationale … L'organisation qui gère cette multinationale dans la plus grande opacité est composée de 5 fondations créées entre 1994 et 2012 en Suisse, aux Etats-Unis, en Inde, à Dubaï et Hong Kong. Auxquelles viennent s'ajouter une association mère (SRCM) et une vingtaine d’associations nationales satellites, 2 sociétés pour la gestion de l’Omega School et un trust pour la vente des publications.

Grisé par son pouvoir, Rajagopalachari en use et en abuse sans limites. Ainsi en 2003, ses sbires essaient à nouveau de s'emparer de l'ashram de Shahjahanpur seulement quatre jours après le décès d'Umesh Chandra Saxena. Ils renouvellent leur tentative avec succès le 2 avril 2006 et s'emparent aussi de l'ashram de Raichur après le décès de Raghavendra Rao. Rajagopalachari se rend lui-même à Shahjahanpur en octobre 2007 pour marquer sa victoire symbolique. Autoproclamé seul maître vivant du Sahaj Marg mondial, il impose sa volonté aux courants alternatifs aussi bien qu'à ses propres adeptes.

Repoussant toutes limites, il ne demande plus à ses adeptes que d'obéir et servir. En 2005, faisant appel à leur seule confiance, il lance une campagne de souscriptions de 250 € par adepte pour un livre dont le contenu n'est pas divulgué. En 2007, la souscription passe à 1200 dollars USD pour un cadeau tout aussi secret… Oubliés les 10 commandements de Babuji, le livre « Whispers from the Brighter World » devient la nouvelle Bible du Sahaj margTM. Produit du spiritisme entre une médium française et un Babuji depuis longtemps décédé, cette nouvelle religion promet à l’humanité une apocalypse mondiale. Elle promet aussi aux meilleurs de ses adeptes que leurs enfants constitueront une nouvelle race, une élite chargée de régénérer un Nouveau monde spirituel à venir.

Fort de son patrimoine et de son pouvoir sur les hommes, Chari est aussi parti à la recherche de la reconnaissance extérieure qui lui fait défaut pour obtenir une certaine respectabilité. Pour ce faire, il flirte avec les Nations unies sur les thématiques humanitaires et éducatives. Côté humanitaire, il ouvre quelques ashrams indiens pour prodiguer des soins gratuits ou distribuer de la nourriture, les centres de lumière. Côté éducation, à partir d'un travail élaboré par son Institut de recherche, il diffuse les valeurs spirituelles du Sahaj Marg (VBSE) dans une centaine d'écoles indiennes puis fonde en 2005 sa propre école, la Lalaji Memorial Omega International School (LMOIS).

La même année, son organisation s'associe au Département de l'information de l'ONU (UNDPI). En 2009, la SRCM organise une compétition nationale de composition écrite dans toutes les écoles indiennes en collaboration avec le Centre d'information des Nations unies pour l'Inde et le Bhoutan (UNIC), à l'occasion de la journée internationale de la jeunesse du 12 août. Cette action, entreprise par la seule SRCM depuis 1989, aurait mobilisé près de 75 000 enfants et jeunes participants de 10 à 24 ans en 2008.

A Chari, tout sourit ! Sahaj marg et SRCM sont à leur apogée. Tout lui sourit, mais le déclin pointe son nez…

Depuis Dubaï en octobre 2008, Chari décrète soudain l'austérité financière et gèle tous les projets d'avenir. En janvier 2009, il déclare qu'un cancer ronge le Sahaj marg de l'intérieur et que son organisation est menacée de désintégration. L'indiscipline règne partout, il y a des scissions entre communautés, des centres dissidents qui ignorent la Mission. Bref, il fait des cauchemars où il voit la SRCM se désintégrer en 240 petites missions. Son successeur désigné Ajay Kumar Bhatter démissionne en 2010. Acculé, Chari en nomme un nouveau en 2011 et annonce sa démission à son profit le 15 août 2012 dans un gigantesque bhandara spécial…

Réalité, paranoïa ou bien sénilité ? Crise financière, crise morale, crise d'ego ? C'est en tous les cas une atmosphère de fin de règne…

En effet, Parthasarathi Rajagopalachari vieillit à son tour. Il a fêté ses 85 ans en 2012, désigné des successeurs pour étouffer les conflits internes. Mais ce n'est pas pour autant l'entente cordiale au sommet de la hiérarchie. Tout va bien tant qu'il est là, mais demain ? Ses opportunistes lieutenants attendent leur heure. Son fils unique PR Krishna le richissime héritier et ses petits-enfants Barghav et Madhuri, son dernier successeur désigné Kamlesh Desaibhay Patel, Santosh Khanjee l'éminence grise ou bien encore AP Durai et US Bajpai ses hommes de mains, tous fourbissent leurs armes.

Parmi les adeptes aussi, tout ne va pas bien. En 2005, il a fini par déclencher des réactions à force de toujours réclamer plus d'argent. Un livre vendu 250 € pièce, des ventes aux enchères organisées pendant les séances de méditation collective lors des rassemblements internationaux de Vrads Sande au Danemark et de Lignano en Italie, c'en est trop. En janvier suivant, ne pouvant s'exprimer librement en interne, une adepte suisse désespérée ouvre sur le web un blog intitulé « Pour que vive le Sahaj Marg, débarrassé des dérives de la Shri Ram Chandra Mission », bientôt suivie par d'autres. Les mythes qu'il avait construits sont dénoncés les uns après les autres.

En janvier 2007, Navneet Kumar Saxena arrive à son tour sur le web. Petit-fils de Babuji et président de la Mission de Shahjahanpur, il informe que la bataille juridique engagée par son père contre Rajagopalachari n'est toujours pas clause et l’accuse, documents officiels à l'appui. Quand il jette l’éponge et se tait, c’est au tour d’un autre petit-fils de Babuji, Sharad Chandra Saxena, de prendre la relève.

Des disciples de Raghavendra Rao et de Kasturi Chaturvedi ouvrent des blogs et accusent eux aussi. Dinesh Kumar Saxena, petit-fils de Lalaji, crée un site web ; KC Narayana, le fils du docteur Varadachari, personnalise le sien ; SP Srivastava crée une association… En France et au Canada, des gens qui avaient suivi André Poray ou Kasturi dévoilent sur le web qu'il existe un peu partout des communautés indépendantes de disciples fidèles à l'enseignement de Babuji, toujours bien vivantes aujourd'hui.

Chari s’est imposé comme le patron incontournable du Sahaj marg et l’a développé au-delà de toute attente. Les parts de marché du Sahaj marg sont énormes mais elles seront bientôt à prendre. Tout le monde s'agite, jusqu'à dire et faire n'importe quoi. Comme cette personne restée anonyme qui a proféré des accusations de viol, d'inceste et de pédophilie sans que l'on sache précisément quel leader du Sahaj marg était incriminé. Comme une médium française anonyme délirant dans les jardins du Babuji Memorial Ashram sans que personne ne l’arrête, démolissant un couple au passage et n’hésitant pas à s’ériger comme la représentante spirituelle de Babuji tout en prédisant pour 2010 l’apocalypse nucléaire entre la Chine et l’Europe, où le Royaume-Uni serait totalement détruit…

Ce n’est que le début, et c’est loin d’être fini ! Dans cette atmosphère délétère et apocalyptique, toutes les hypothèses les plus folles sont envisageables. La seule certitude est que le Sahaj marg et la SRCM n’ont strictement plus rien à voir de près ou de loin avec la spiritualité, si tant est que ce fut le cas un jour…

Quelques liens