Elles sont toutes bâties sur le même modèle. Rajagopalachari en est le président et il nomme un comité de management avec un vice président, un secrétaire, un trésorier et un auditeur des comptes, auxquels il ajoute quelques membres parmi ses plus fidèles alliés, souvent étrangers au pays de l'association. Jusque dans les années 90, leurs ressources proviennent des cotisations des adeptes, de la vente des publications et de donations, souvent à peu près pour un tiers chacune.
La Shri Ram Chandra Mission de Shahjahanpur créée par Babuji en 1945 n'était pas un modèle de démocratie. Les associations nationales créées cinquante ans plus tard ne le sont guère plus. Mais les statuts associatifs des pays d'accueil ne permettent pas aussi facilement un tel déni démocratique, alors les statuts renvoient le plus souvent le fonctionnement à un règlement intérieur. Comme en France où il est écrit dans l'article 17 des statuts déposés en 1986 : "le président qui est le véritable maître de l'Association exercera ses pouvoirs par le truchement du règlement intérieur, qu'il peut modifier à son gré (…)".
En 1997, le fils de Babuji, Umesh Chandra Saxena, s'oppose violemment à Rajagopalachari. La Shri Ram Chandra Mission indienne créée à Shahjahanpur est revendiquée par deux groupes. A qui appartient son compte en banque ? La justice indienne est saisie de l'affaire depuis 1984 mais n'a toujours pas tranché. Et un conflit supplémentaire éclate aux Etats-Unis à propos de la propriété légitime du nom de domaine
Pragmatique, sans abandonner la bataille judiciaire, Rajagopalachari jette l'éponge et charge son éminence grise Santosh Khanjee de trouver une solution à cette impasse. Celui-ci crée donc une autre association SRCM en Californie et dépose les marques Sahaj Marg™, Shri Ram Chandra Mission™ et Constant Remembrance™ (du nom de leur magazine trimestriel), ainsi que l'emblème de la Mission auprès du Département du commerce américain. Puis il se lance dans une vaste réorganisation internationale du dispositif administratif.
Rajagopalachari s'entoure d'un Comité exécutif de trois personnes seulement. Ce triumvirat rassemble son successeur désigné Ajay Kumar Bhatter en charge des finances, son fils PR Krishna du patrimoine et Santosh Khanjee lui-même de l'administration. Et ce dernier crée un secrétariat international, l'OSIA (Office du Secrétariat aux Affaires Internationales), à la tête de plusieurs secteurs d'activités comme les finances, les ashrams, l'information, le développement, les opérations ou les publications. Un modèle qu'il va reproduire et imposer dans toutes les structures nationales.
Dès 1998, les îles britanniques lui servent de laboratoire pour professionnaliser une administration bien trop amatrice à ses yeux. Pour mieux faire passer la pilule amère de la restructuration, il la désigne sous le doux nom de "flower system". Le comité de management ou conseil d'administration ne change pas mais devient le cœur de la fleur, tandis que ses pétales sont constitués par les différents secteurs d'activités qu'il professionnalise à l'image du secrétariat international.
Santosh Khanjee tente en même temps d'imposer la séparation des pouvoirs et la dénationalisation des associations avec un peu moins de succès. Il veut séparer les pouvoirs spirituel et administratif pour éviter le cumul des fonctions de précepteur et d'administratif sur les mêmes personnes. Mais la motivation étant ce qu'elle est, cette politique échoue lamentablement.
En revanche, il essaie de regrouper plusieurs pays entre eux pour créer des associations supranationales. Ainsi, le Royaume-Uni et l'Irlande forment une seule association, de même que les pays de l'Océanie ou du Benelux. La France qui fait de la résistance se voit affublée d'une vice présidente étrangère au pays. En déstabilisant les groupes ainsi constitués, on peut soupçonner derrière cela la volonté d'éviter toute velléité de résistance ou de création de lobbies.
Cette réorganisation mondiale autour d'un modèle uniquement associatif montre vite ses limites. Les transferts de fonds sont lourdement taxés, ce que Rajagopalachari supporte difficilement, transformant ses proches en porteurs de valises. Santosh Khanjee s'inspire alors de la fondation créée en Suisse par Ferdinand Wulliemier en 1994 et crée lui aussi une fondation à Austin au Texas en 99, la Sahaj Marg Spirituality Foundation (SMSF). Suivront une autre SMSF en Inde en 2003 puis à Dubaï en 2004. Avec l'école LMOIS en 2005, deux autres sociétés voient le jour, la Baal Vatika Educational Society chargée de son fonctionnement, et le Baal Vatika Educational Trust de son financement.
Aux Etats-Unis, les fondations bénéficient d'exonération fiscale à condition d'effectuer au moins 5% de dons à des œuvres caritatives. La SMSF texane a versé régulièrement de l'argent à la Croix Rouge (pour le 11 septembre, pour Katrina, etc). Quant à Dubaï, elle abrite la première zone franche du Moyen-orient, soit plus de 6000 sociétés étrangères, autorisées à s'implanter sous forme offshore, sans contrôle des changes ni taxes à l'import ou à l'export, avec possibilité de rapatriement de 100% du capital et des profits, sans imposition sur les sociétés ni sur les personnes physiques.
A l'époque, Rajagopalachari explique que tel un oiseau, le Sahaj Marg a deux ailes, la première est spirituelle et c'est la Shri Ram Chandra Mission, la seconde est matérielle et c'est la Sahaj Marg Spirituality Foundation. D'un côté les associations, de l'autre les fondations. La réorganisation administrative est donc suivie d'une réorganisation financière où Santosh Khanjee dépouille les associations locales de la plupart de leurs ressources pour les transférer aux fondations.
Les associations ne vont plus gérer maintenant que les fonds nécessaires à leur fonctionnement quotidien. Chaque année, elles soumettent un budget prévisionnel pour approbation à l'OSIA. Chaque trimestre, elles lui envoient un rapport financier d'étape. Toute dépense supérieure ou égale à 1 000 USD nécessite un accord préalable de l'OSIA. Et de même pour tout projet d'investissement foncier ou immobilier, bien évidemment.
Les associations locales doivent aussi tenir une comptabilité analytique autour de trois postes : fonctionnement, publications et séminaires. Et chacun d'entre eux doit équilibrer ses recettes et dépenses. Ainsi les cotisations assurent le fonctionnement, la vente de publications ne doit plus dégager de bénéfices locaux et les séminaires doivent s'autofinancer. L'essentiel des ressources générées par la vente des publication et les donations sont maintenant captées directement par les fondations. Les associations n'ont plus guère que les cotisations de leurs membres à se mettre sous la dent. L'ancienne répartition des ressources en trois parts à peu près égales a volé en éclats.
D'après les rares informations dont on dispose, les ressources des associations locales représentent 200 à 300 € par adepte selon les pays hors Inde en 2007. Dans ce pays, elles seraient autour de 50 € seulement, la plupart des coûts y étant divisés par cinq. L'extrapolation de ces chiffres à l'ensemble des cotisants amène à une estimation d'environ dix à quinze millions de chiffre d'affaires pour l'ensemble des associations. Les fondations feraient donc au moins les deux autres tiers, sans compter l'explosion des donations…
Les associations ont donc perdu l'essentiel de leurs ressources mais il y a pire, ce sont les centres. En France, la cotisation s'élevait à 75 €, montant sur lequel 60 € étaient prélevés pour assurer le fonctionnement national. Ne restaient aux centres locaux que quinze malheureux euros par cotisant pour des groupes de dix à trente personnes en moyenne, soit un pauvre budget annuel d'environ 300 €. Pour louer une salle ou en payer le chauffage, il ne restait plus qu'à cotiser de nouveau. En 2009, la cotisation nationale a été doublée, la part des groupes locaux pourrait bien exploser. Mais leurs dépenses étant très encadrées, ce ne serait qu'une fausse impression d'autonomie.
Rajagopalachari laisse peu de place à l'initiative de ses adeptes. Au début, de très nombreuses feuilles d'information et d'échanges ont vu le jour un peu partout, comme les Sahaj Marg Infos dans plusieurs régions françaises, avec une parution souvent hiératique mais originale. Après plusieurs tentatives avortées, Rajagopalachari a fini par y mettre bon ordre ces dernières années en les regroupant sur des régions supranationales, ce sont les Echoes of…
Si Rajagopalachari a réussi sur le papier et dans les centres, c'est aujourd'hui le web qui lui pose problème. Longtemps, il a interdit les échanges en dehors du cadre strict de la Mission. En mai 2004, le précepteur Clark Powell met en service un blog pour les "voyageurs spirituels". Mais dès le 2 juillet suivant, Rajagopalachari lui en ordonne la fermeture : "I have been seeing the mails between you and others proliferating, and this causes me disquiet. By this mail I finally request you to stop your website invertendo.com permanently and oblige. I thank you for your obedience".
Mais cette position est devenue difficilement tenable avec le développement du web et des blogs critiques, ce qui l'a finalement amené à lâcher du lest en mars 2007, alors que six mois plus tôt on pouvait encore lire dans Sahaj Sandesh (N°2006-68 du 20/09/2006) : "Sur les conseils du Maître, la Mission a adopté une politique pour décourager l'utilisation des groupes en ligne, chats rooms, blogs, listes privées d'emails ou l'utilisation non autorisée par des tiers de listes de diffusion pour disséminer l'information relative à la Mission".
La Shri Ram Chandra Mission a aussi créé son propre website