Précepteurs, les petits soldats de Chari

Un prosélytisme entre opportunisme & culpabilité


Le Sahaj marg promet la fusion avec le divin, dans le Monde lumineux autrement appelé aussi Région centrale, grâce à la transmission de cœur à cœur du Maître au disciple. Dans ce dispositif spirituel, le précepteur sert de relais au maître, en tant que canal spirituel, quand le nombre de disciples devient important.

Du canal spirituel au racolage prosélyte
Alors que le terme de précepteur n’existait pas encore, Lalaji eut une dizaine de relais. Babuji n’en avait guère plus au milieu des années 60. Mais avec le développement de la SRCM et son internationalisation, leur nombre grimpa jusqu’à atteindre 180 à sa mort en 1983. Chari en compte aujourd’hui en 2012 un peu plus de 3 000.
Dès 1983, Chari a largement dévoyé la fonction des précepteurs. Il a commencé par démettre tous les précepteurs nommés par Babuji qui ne lui prêtaient pas allégeance. A ceux qui restaient, il a imposé de faire du prosélytisme. Fliqués et culpabilisés, gare aux précepteurs qui ne faisaient pas assez de chiffre.
Pour mieux bénéficier de la transmission du maître, les abhyasis occidentaux se sont disputé ses faveurs. Une concurrence sauvage s’est installée entre eux pour capter l’attention du Dieu incarné par le maître. Pour cela, rien de tel que de devenir précepteur et de convertir de nouveaux adeptes. Et Chari profite de cet opportunisme dont il sait jouer à merveille, distillant reproches et encouragements, opposant savamment les uns aux autres, au sein d’une hiérarchie de plus en plus élaborée et complexe.

Stratégie militaire et plan tactique d’occupation du territoire
A la base, les précepteurs s’occupent des groupes d’adeptes, réunis dans des centres où ont lieu les méditations collectives (satsangh). Le Centre est généralement le salon d'un abhyasi, parfois une salle prêtée ou louée, plus rarement un ashram. S'il y a plusieurs précepteurs, l'un d'entre eux est chargé du développement spirituel du centre (PIC, ou precepteur-in-charge). Aux échelons supérieurs, il y a des administrateurs à la tête de zones et de régions. Ce sont les zone-in-charge (ZIC) et les region-in-charge (RIC).
Les précepteurs sont les petits soldats de Chari, les administrateurs de zones sont ses sergents et les administrateurs de régions ses lieutenants. Dans l'esprit de Rajagopalachari, cette organisation est conçue pour faire du prosélytisme comme on fait la guerre, avec plan, stratégie et tactique militaire pour l'occupation du territoire. Dans une formation à Hyderabad le 4 avril 2004, le ZIC est comparé au général, le PIC à un "field commander" :
"Strategy formulation. The zone-in-charge is like a General, in charge of a territory. He has to evolve a strategy for effective penetration of his territory. He has to communicate this strategy to all the centres-in-charge, and convince them of its efficacy. He has to evolve a tactical plan to make this work (…) Tactical plan. The zone-in-charge has to plan where and how to grow the Mission. He has to device the means to achieve this growth. He has to train the functionaries in his zone to undertake this task. He has to monitor this activity and make corrections where necessary. He has to conduct annual reviews of this plan, and send a progress report to Chennai".
Plus récemment, sont venus s’ajouter des développeurs chargés tout particulièrement de développer les petits centres, en parallèle au travail des zone-in-charge.
A titre d’exemple, l’organisation française en 2006 est la suivante : 1 100 adeptes cotisants, 97 précepteurs et 43 centres regroupés en 6 zones géographiques, avec un ZIC et un développeur pour chacune. La France est elle-même intégrée dans une plus grande zone appelée "Espace francophone, Espagne et Iles britanniques", intégrée dans la région "Europe".
Précepteur, administrateur de zone ou de région, chacun à son niveau doit promouvoir la croissance de la Mission et remettre un rapport mensuel au niveau hiérarchique immédiatement supérieur ainsi qu’à Chari en personne. Doivent figurer le nombre de méditations réalisées et surtout le nombre d'introduction de nouveaux adeptes. Le flicage est permanent…

Instrumentalisation des égos
Il suffit qu’il n’y ait personne dans un pays ou une région du monde pour que le premier adepte venu soit aussitôt nommé précepteur. Rajagopalachari fait et défait les précepteurs au gré de ses besoins, allant jusqu’à les nommer par téléphone.
L’exemple de Michael, nommé précepteur aux Etats-Unis est éclairant. A Shahjahanpur en 1983, il est utilisé comme porte parole du clan de Chari auprès des autorités, face au clan d’Umesh Chandra, fils de Babuji. Retourné aux Etats-Unis, Chari le récompense en le nommant au sein du comité de publication nord-américain. En 1988, suite à des querelles entre responsables, Chari le nomme opportunément précepteur par un simple courrier. Pris à parti par le secrétaire de zone, Chari le démet tout aussi simplement, lui promettant qu’il retrouvera bientôt sa fonction (voir 5ème partie du témoignage de Michael) …
Sous l’influence de Chari, le profil des précepteurs a complètement changé. L’opportunisme et l’arrivisme ont remplacé les qualités spirituelles dans les critères de recrutement. Résultat : les querelles de pouvoir ont totalement remplacé la spiritualité.
« [Babuji] a dit : "Là où j’ai plus d’un précepteur, j’ai créé des problèmes pour ce centre". Car il y a deux groupes de pouvoir, il y a les problèmes d’ego, les luttes d’ego, les querelles d’ego, et parfois les centres se sont scindés en deux, en trois.(…) Il y a ici beaucoup de précepteurs qui ont insisté pour que les abhyasis tombent à leurs pieds — pour leur perte, leur perte personnelle. » (Discours de Chari du 10 mars 2008, au CREST de Bangalore, Inde). Voici aussi ce qu'il disait dans "He, the Hookah and I" (Discipline 17) : « (…) A moins que les précepteurs ne surmontent ces tentations afin d’obtenir de l’avancement en marchant sur le cadavre de quelqu’un qu’ils ont détruit - la Mission ne pourra pas survivre, et elle ne sera qu’un nom sur quelques bâtiments vides. »

Culpabilisation, quand la vie devient un enfer
Le rôle des précepteurs assigné par Chari est de faire du prosélytisme, de jouer les rabatteurs et d’enrôler à tour de bras. Il sera toujours temps plus tard de s’occuper du développement spirituel des nouveaux arrivants.
Les précepteurs doivent donc faire du chiffre, toujours plus de chiffre, rien que du chiffre. Pour ce faire, Rajagopalachari n’hésite pas à jouer de leurs sentiments, déclarant qu’ils n’en font pas assez pour mériter son affection. Il les culpabilise pour leur manque de résultats et les fait sombrer dans l'angoisse de lui déplaire. Un mal-être permanent qu'il entretient soigneusement.
Dans un discours aux précepteurs danois, le 19 septembre 1998, Rajagopalachari leur dit : "Pour l'amour du ciel, réveillez-vous et mettez-vous au travail ! ". Dans un discours aux précepteurs américains, le 10 août 2000, "The divine plan can only be realised by human effort (...) In 1972 I travelled with Babuji to the US. After three weeks there were 76 abhyasis but until 1984 it was arround the same number. What does this show ? Nobody worked (...). Only work produces results, God works only through human beings".
Un précepteur anglais rapporte son expérience et ses sentiments suite à un Séminaire de formation à Manchester les 12 et 13 mars 1999 (Natural Way, automne 2000) : "We watched Chariji's speech to preceptors in India, 01 October 1996 on video. Chariji said preceptors don't work enough. By not working we are really insulting Babuji and his plans. We were sad after the video".
Même chose en Inde où Rajagopalachari, dans un discours à l'ashram de Mysore (Karnataka, Inde), le 16 février 2004, exhorte ses adeptes à se réveiller : "(…) Karnataka has been very slow in developing in Sahaj Marg (…) there is too much tendency to stay at home and wait for everything to come to our house (…) I know many houses where the father is the abhyasi, not the wife, not children, and for twenty years they don't change. If a man cannot influence his own wife to start Sahaj Marg, who else is he going to influence? I know wives are very difficult to manage, but that is female nature, you see, and we are here to change nature by starting with our own family first (…) So, people of Karnataka, please awake". Même chose à Bangalore le 26 septembre suivant : "(…) Karnataka is a big state. Why is it not growing ? (…) But no growth (…) Karnataka is a sleepy state (…) If you sleep, you have to be woken up".
Lors d'un meeting des précepteurs à Chennai le 17 juillet 2004, Rajagopalachari montre qu’il est bien conscient de la pression qu’il leur fait subir, mais c’est encore de leur faute à eux : " (…) we were talking (…) about preceptors, their responsibilities, their work or lack of it (…) I receive letters from abhyasis, from preceptors, and they tend to dramatise this business of being a preceptor out of all proportion to what it really involves in our life. Either they suffer from guilt because they don't do the work that is assigned to them that goes with being a preceptor (…).and sometimes they are also angry, annoyed, desperate (…)".
Puis de nouveau, Rajagopalachari déclare dans un message adressé aux adeptes des Etats-Unis le 11 octobre 2009 : "(...) the Mission in the U.S. had gone into some sort of — I won’t say coma, but a partial sort of sleep mode."
Premier dauphin de Chari, Ajay Kumar Bhatter prend la relève : "Après tant d’années et tant de visites du Maître, le nombre d’abhyasis est décevant en Europe." (Extrait d'une circulaire aux précepteurs français, en date du 17 juin 2008).
Au lieu de vivre dans la sérénité qui lui était promise, le précepteur sombre dans l'angoisse de déplaire au Maître, de ne jamais en faire suffisamment pour mériter son affection. Un mal-être permanent soigneusement entretenu par Chari...

Liens :
- Le Sahaj marg, un produit spirituel standardisé
- Chari et l'industrialisation d'une spiritualité
- Témoignage de Michael
- Importance & Multinationale (à venir)